Suran, rivière vivante

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Publié : 9 juillet 2011

Les libellules et les moulins

Les Journées nationales des moulins 2011 à Villechantria

A l’occasion de l’édition 2011 des Journées nationales des moulins, notre ami naturaliste Pierre Baccot avait invité plusieurs associations à venir présenter leurs travaux sur le site du moulin du Pont Neuf à Villechantria (Jura). Le groupe Sympetrum, le Photo Club Bressan et la Société des Naturalistes et Archéologues de l’Ain se sont donc déplacés de l’Ain vers le Jura pour faire connaître notre belle rivière du Suran…

Le moulin du Pont-Neuf se dresse sur le Suran entre le pont de Liconnas et celui de Broissia, à quelques centaines de mètres du village de Villechantria…

Réunis sous une même bannière, le Photo Club Bressan exposait environ 60 photos de Libellules et de paysages du Suran, pendant que les membres du Groupe de recherche et de protection des Libellules Sympetrum emmenaient une petite troupe sur le terrain, au bord du Suran, à la poursuite des elfes multicolores…

Les espèces observées les 18 et 19 juin 2011 sur le site de Villechantria

Chenal du moulin amont de la roue

Zygoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Calopteryx splendens 15 - 20 X X 1

Anisoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Gomphus vulgatissimus 10 10
Gomphus pulchellus 9 9
Onychogomphus forcipatus forcipatus 4 4

Suran pont Neuf et aval

Zygoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Calopteryx splendens plusieurs dizaines X X plusieurs dizaines
Calopteryx virgo 5 X X
Platycnemis pennipes <100 X X X

Anisoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Gomphus vulgatissimus plusieurs dizaines plusieurs dizaines
Oxygastra curtisii 22 22

Suran, lieu dit Prés de Vavre

Zygoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Calopteryx splendens plusieurs dizaines X X plusieurs dizaines
Calopteryx virgo 5 X X
Platycnemis pennipes <100 X X X

Anisoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Gomphus vulgatissimus plusieurs dizaines plusieurs dizaines
Boyeria irene 1 1 mâle

Prairies au lieu dit les Chasaux

Zygoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Calopteryx splendens plusieurs X X
Platycnemis pennipes <100 X X X

Anisoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Gomphus pulchellus 1 1

Bords du Suran lieu dit la Culat, près des huttes de castor

Zygoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Calopteryx splendens plusieurs dizaines X X
Platycnemis pennipes <100 X X X

Anisoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Gomphus vulgatissimus 3 3
Oxygastra curtisii 1 1

Fontaine Perrozan

Zygoptera
espèce nombre total mâles femelles exuvies
Calopteryx virgo 5 X X

Belvédère de Liconnas et pelouses sèches de l’Artelant, la Balme d’Epy (39) le samedi en fin de journée…

De nombreux Platycnemis pennipes, mâles et femelles dans les buissons, ça et là, profitant de la douceur et des nombreuses proies…

Pour résumer, 8 espèces : 3 zygoptères, Calopteryx splendens, Calopteryx virgo (Calopterygidae), Platycnemis pennipes (Platycnemididae) ; 5 anisoptères, Boyeria irene (Aeshnidae), Gomphus vulgatissimus, Gomphus pulchellus, Onychogomphus forcipatus forcipatus (Gomphidae) et Oxygastra curtisii (Corduliidae).

Une journée sur le terrain

La journée de samedi a été assez pluvieuse et le soleil plutôt rare, ce qui a restreint le nombre d’observations d’imagos, puisque nous n’avons pu observer qu’une femelle de Gomphus pulchellus en chasse sur une prairie. Le dimanche, le soleil était plus présent, mais les anisoptères ne se sont pas davantage montrés. La récolte des exuvies (non exhaustive, sauf pour le chenal de moulin en amont de la roue) a permis néanmoins d’avoir une bonne représentation du cortège des odonates de ce secteur du Suran.

La découverte de 23 exuvies d’Oxygastra curtisii a été le moment phare de ces journées, puisque l’espèce, découverte sur le Suran dans le département de l’Ain en 2009, n’avait été vue que sur la commune de Montfleur (39) en 2010, aucune prospection n’ayant été faite alors en amont. Pour ces deux journées cependant, la prospection s’est limitée aux secteurs les plus accessibles et ne nécessitant pas de se mouiller ou ne nager. Il est donc probable que le nombre d’exuvies soit largement supérieur à 23, en particulier en amont du moulin, près des huttes de castor où la retenue d’eau est profonde et bordée de grands arbres dont les racines plongent dans l’eau. La présence de cette espèce endémique du sud ouest de l’Europe, protégée en France et classée Quasi Menacée au niveau mondial est un atout important pour le Suran, qui confirme son rôle d’écrin protecteur d’espèces à fort intérêt patrimonial aux côtés du Castor, de la Loutre, de l’Écrevisse à pied blanc et du Toxostome…

Nous avons eu également la joie de trouver la première exuvie de l’année de Boyeria irene, un mâle, une autre espèce emblématique et découverte depuis assez peu de temps sur le cours supérieur du Suran. Il faudra attendre un peu avant de voir les premiers individus entamer leur vol crépusculaire sur les zones calmes du Suran.

Un dimanche d’expositions et des conférences

Notre petit atelier Libellules accueillait aussi quelques larves dans un aquarium : un Calopteryx splendens encore tout vert de sa dernière mue, un Platycnemis pennipes, et quatre larves de Gomphidae encore très jeunes où l’on pouvait déjà reconnaître deux Onychogomphus, et assez probablement un Gomphus vulgatissimus et un G. pulchellus. Notre Platycnemis semblait vouloir resté tapi sous le système de filtration, les gomphidés, eux se terrant sous les cailloux, l’un deux véritablement fixé en rétroversion sous une pierre plate. Le Caloptéryx, lui, malgré son âge encore peu avancé, faisait figure de géant, et se tenait parfois en rétroversion sous une branche qui flottait, d’autre fois, il parcourait le fond de l’aquarium de ses longues pattes, l’abdomen dressé et les lamelles caudales déployées. On ne saura jamais laquelle de ces libellules a mis une larve d’éphémère (un Baetidae) à son menu… Peut être était-ce l’œuvre de la larve de phrygane (Trichoptera), dangereusement dissimulée dans son fourreau de bois… Notre Calopteryx a stationné à plusieurs reprises sur ce fourreau, sans qu’il ait semblé qu’il s’y intéressât ni que le trichoptère s’en émût…

La rencontre avec les visiteurs des différentes expositions a permis de s’enrichir mutuellement, chacun nous racontant sa vision des libellules, les pêcheurs avec le caloptéryx perché sur la canna à pêche ou le bouchon, les craintes de certains sur les risques de morsure ou de piqûres par nos inoffensives amies. Un témoignage a retenu notre attention, celui d’une dame, riveraine du Suran, troublée par la présence d’un mâle de Libellula depressa sur une annexe de la rivière (elle l’avait donc bien identifiée) et qui me confie penser qu’elle a peut-être aperçu récemment la fameuse libellule rose… Après avoir feuilleté les manuels, essayé d’être le plus précis possible, elle reste certaine d’avoir aperçue Trithemis annulata au bord du Suran… Un erratique languedocien mû par les belles chaleurs de mai, peut-être ? Le saura-t-on un jour… Toujours est-il, qu’elle avait lu que cette libellule agrandissait son aire de répartition vers le nord, et qu’il fallait surveiller son arrivée chez nous….

Les enfants étaient nombreux aussi, intéressés par les belles libellules en photo, un peu surpris par les dents aiguisées des exuvies présentées sous les binoculaires, et véritablement intrigués quand je capouillais, selon une expression viriatie, dans le chenal à la recherche es exuvies. La vue de ces restes accrochés aux parois en incita plus d’un à vouloir me rejoindre et participer à la récolte, mais les parents, prudents, veillaient !

Ce furent également des échanges fructueux entre passionnés avec Cyrille Deliry, président du Groupe de recherche et de protection des libellules Sympetrum, qui s’était joint à moi le samedi soir pour un cycle de conférences [1], qui, si elles n’ont pas accueilli un public nombreux, ont passionné la petite assistance intarissable en questions et émerveillée devant la beauté de nos insectes fétiches.

Échanges aussi avec Vincent Dams et Charly Moureau de Jura Nature Environnement, spécialistes du Castor et fins connaisseurs de la nature aussi ; la perspective de sorties communes où chacun montrerait son petit Liré à l’autre est en bonne voie de réalisation. Leur exposition, avec d’immenses et magnifiques photos du bièvre dans son environnement aquatiques, des cartes détaillées et une documentation riche et ciblée prouvent là encore avec quel sérieux les scientifiques et les amoureux de la nature se retrouvent pour mieux faire connaître la biodiversité de notre Suran. Le site de photographies en ligne de Charly, Photos de Nature est à voir absolument ! Le Syndicat Intercommunal d’Aménagement et d’Entretien du Suran avait également accroché ses panneaux didactiques aux cimaises de l’auvent, illustrés par les élèves de l’école de Saint-Julien-sur-Suran, les mêmes élèves qui avaient sculpté un splendide castor grandeur nature grignotant sa baguette de saule…

Enfin, à tout seigneur tout honneur, il convient de remercier le maître de céans Pierre Baccot et madame, qui nous ont accueillis avec tant de gentillesse et de générosité. Passionné par son moulin dont il est l’infatigable restaurateur, passionné par la nature et par le Suran, Pierre a mis en place tout ce qu’il fallait pour que ces journées soient une réussite. Bravo à vous Pierre et encore merci…

Il restait encore à parcourir quelques mètres au bord du Suran alors que la foule s’était rentrée, prendre le temps de caresser les chevaux Tarpans qui ont passionné petits et grands avant de laisser le calme revenir sur la vallée, sous les derniers chants d’oiseaux avant que le soleil ne passe la crête…

Post-scriptum

Et pour illustrer ces deux journées, Laurent Troly naturaliste et photographe, maintenant vidéaste talentueux, nous a proposé ce petit clip…

Sans oublier le sympathique article de la Voix du Jura

Notes

[1] A la poursuite des elfes du Suran de Régis Krieg-Jacquier et Li belles lules de Cyrille Deliry

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