Selon l’adage local, "à Varambon, le Suran perd son nom"… Mais, d’où le prend-il ?
La toponymie est une discipline intrigante, aux confins de l’histoire, de la littérature et de l’étymologie… Comme cette dernière, elle évoque les sciences sans en avoir toujours toute la rigueur. Bien des auteurs se sont essayés à la recherche de l’origine des noms de lieux, parfois avec précision et humilité, parfois avec une fantaisie un peu excessive…
Henry Suter sur son site Web Noms de lieux de Suisse romande, Savoie et environs mentionne les occurrences les plus anciennes de notre Suran, La riveri de Suran vers 1341, Surans en 1449, Supra Suranum en 1468, pour autant, l’origine de ce nom fait débat.
Une des sources les mieux informées à l’heure actuelle semble être l’ouvrage d’Anne-Marie VURPAS et Claude MICHEL, Noms de lieux de l’Ain [1]. Les auteurs rattachent le nom du Suran à une racine préceltique, *ser-/*sor-, avec le sens de « couler, se mouvoir rapidement » et qui apparaît dans plusieurs hydronymes d’affluents du Rhône comme la Sereine, le Séran, avec un cas-régime masculin, et avec un vocalisme différent, notre Suran, et la Serine, qui deviendra la fort célèbre Valserine.
On ferait vite un rapprochement avec le Furans affluent du Rhône qui longe le marais de Lavours… Attesté sous les vocables Aqua mater de Furans en 1290, Aqua de Furan en 1399, Le Furans en 1844, Le Furens en 1887, ces auteurs le relient au radical lui-aussi préceltique *for- dont le sens est inconnu mais que l’on retrouve dans le Furan, affluent de la Loire qui traverse Saint-Étienne. Pour d’autres il faut voir là le mot régional foron, « torrent » comme le souligne Pégorier [2] avec la précision « nom de nombreux cours d´eau de Haute-Savoie, dont l´origine est incertaine ». Pour Jaccard [3], il faut y voir un *Soron, avec une mutation de F en S courante en Savoie, qu’il rattache à la même origine gauloise que Sarine, Séran, Serine, Serre, Seymaz, Singine, Sionge, Sorne, et bien entendu, le Suran Pour Taverdet [4], cette mutation remonterait à la romanisation de noms gaulois, et les noms de cours d´eau Foron, Furans seraient de même origine que Séran, Suran, etc. Pour Henry Suter, ces hydronymes dériveraient tous d´une racine gauloise *seg(o)-, « force » attesté par Aebischer [5] avec le suffixe -ona. Nègre [6], mentionne également ces racines pré-celtiques indo-européennes *ser-/*sor-, « couler, se mouvoir rapidement et violemment ».
D’autres auteurs ont fait d’autres parallèles, que l’on considèrera avec d’autant plus de circonspection qu’ils ne se fondent pas sur des graphies historiques, mais sur de simples similitudes, un peu comme s’ils décrétaient la chauve-souris descendre de l’oiseau parce qu’elle a des ailes. Sur la page web Nos ancêtres les Gaulois, à Saint-Amour, Robert Faverge nous cite un bien étrange rapport avec une source « Dans leur langue celtique, la source sacrée se disait suria et tout naturellement celle-ci est devenue le Suran » et complète son propos en révélant que « La déesse Sirona, compagne du dieu soleil, l’aidait dans son œuvre. Elle produisait sans doute à la fois la douce lumière de la Lune et les eaux salutaires des fontaines. ». C’est bien joli, mais rien n’atteste la présence d’un culte à cette déesse dans la Gaule occupée par les Séquanes et les Ambarres ; quant à la source sacrée, d’où sort-il cette sacrée source serait-on tenté de penser !
Pour finir, sinon que d’attester l’ancienneté du nom Suran au XIVe siècle et d’évoquer la ressemblance de cet hydronyme avec d’autres de la région, l’homme du XXIe siècle doit faire preuve de bien de modestie quant à sa connaissance de son histoire…
[1] VURPAS (A.-M.) et MICHEL (Cl), 1999, Noms de lieux de l’Ain, éd. Bonneton, Paris, 224 p, ISBN : 2-86253-246-0
[2] PÉGORIER (A.) 2006. Les noms de lieux en France, glossaire de termes dialectaux. Troisième édition revue et complétée par Sylvie Lejeune et Elisabeth Calvarin. Paris, éditions de l´Institut Géographique National.
[3] JACCARD (H.) 1978. Essai de toponymie. Origine des noms de lieux habités et des lieux-dits de la Suisse romande. Lausanne, Bridel, 1906, réédité par les éditions Slatkine, Genève.
[4] TAVERDET (G.), Un tabou étymologique : le [f] en gaulois HIERONYMUS I (2007), 5-11
[5] AEBISCHER (P.) 1976. Les noms de lieux du canton de Fribourg. Fribourg, Archives de la société d´histoire du canton de Fribourg, vol. XXII, 1976
[6] NÈGRE (E.) 1998. Toponymie générale de la France. Genève, Librairie Droz, 3 volumes, 1990-1998
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